A l’occasion du 209 anniversaire de la mort de Pasquale Paoli, France Inter a réalisé une très belle émission sous la baguette de Jean Lebrun, LA MARCHE DE L’HISTOIRE – Pasquale Paoli et la Constitution de la Corse. Lors de cette émission, Jean Lebrun a eu la gentillesse d’évoquer la comédie musicale »la Révolution Corse » (http://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-lhistoire-pascal-paoli-sa-constitution-et-son-regime) écrit et mis en scène par votre humble serviteur, et interprétée au Bataclan et au Casino de Paris, dans le cadre du bicentenaire de la mort de Paoli. A cette occasion, avec l’équipe de l’Institut Citoyen du cinéma, nous avons organisé et mis en place un colloque au Sénat.
Mon ami Jean-François Remi, sociétaire de la Comédie Française, souhaitait une pièce de théâtre, je lui ai écrit »l’Héritage de Pasquale Paoli » qu’il a interprété lors des cérémonies de commémoration. Pour France 3 nous avons réalisé le film »Et maintenant Monsieur Paoli ? ». L’album de »La révolution Corse » a été composé et mis en musique par mon alter-ego Patrice Bernardini. De très nombreux artistes étaient avec nous lors de la première (une soixantaine) dont Antoine Ciosi, Voce Isulane, Larenza Ceccaldi, Jacky Micaelli, Maryse Nicolaï, Evelyne Ferri, Stéphane Provent, Michèle Samarcelli, Audrey Verdier, Mathieu Maestrini, Tony Sampieri et beaucoup plus surprenant – pour un observateur extérieur – Edmond Simeoni. Edmond Simeoni, militant corse, élu, médecin (gastro-entérologue), tribun, fondateur de l’Action Régionaliste Corse (ARC), tout le monde connait.
Ma route a croisé celle d’Edmond Simeoni alors que j’étais encore adolescent. Nous avons travailler ensemble pendant des années, avant que le cinéma n’accapare la totalité de mon temps. A l’époque nous faisions le monde tous les lundi matin au cours d’une séance de travail frénétique, nous le défaisions le mercredi après-midi, pour le refaire de nouveau deux jours plus tard. Ce foisonnement d’idées, de contacts, d’énergie, nous a permis de bâtir les projets les plus consensuels comme les plus extravagants, de nouer des contacts dans le monde entier, d’élaborer un réseau fabuleux, de créer des passerelles interculturelles, des ponts d’Humanisme, et des autoroutes de bienveillance. C’est d’ailleurs avec une extrême bienveillance qu’Edmond a rédigé une critique de mon dernier film FAERYLAND (http://www.edmondsimeoni.com/FAERYLAND-LE-FILM-HUMANISTE-DE-LA-CAUSE-ANIMALE_a524.html).
On retrouve également cet esprit de bienveillance dans »Lettera a l’umani », qui est le testament de Pasquale Paoli dans »la Révolution Corse » qu’interprète Edmond Simeoni. Dans mon esprit la filiation entre Pasquale Paoli et Edmond Simeoni a toujours été une évidence. C’est pourquoi au moment d’enregistrer »Lettera a l’umani », il semblait évident que ce texte ne pouvait-être lu pour la première fois que par Edmond.
LA MARCHE DE L’HISTOIRE, a remis brièvement la lumière sur ce titre. L’émission de Jean Lebrun était vraiment très intéressante : »Bonaparte jeune a donné une interprétation du personnage qu’on peut dire nationaliste : à l’entendre, Paoli, au milieu du XVIIIème siècle, avait édifié dans l’île un « trône de liberté » que les Français avaient ensuite noyé dans le sang en 1769. Lors de sa défaite, Paoli avait été accompagné jusqu’au bout par le père de Bonaparte alors que d’autres notables. Et puis il y a une interprétation plus précautionneuse. Elle insiste sur la fécondité des traditions communautaires de l’île dont Paoli était, à sa manière, l’héritier. Au cœur de la Constitution corse de 1755 tant admirée, se tenait l’assemblée, la Consulta. Mais le rôle de l’assemblée est établi en Corse bien avant cette époque. C’est à elle qu’incombait par exemple la gestion de la Terre du commun dans les villages. La proclamation de l’égalité et, en même temps, l’appel au sacrifice des intérêts individuels à l’intérêt général, ce sont des idées que les pionniers de la forme républicaine au XVIIIème attribuent volontiers à Paoli mais ce sont aussi des motifs qu’on peut identifier bien auparavant dans la singularité corse ». Vous trouverez ci-dessous le texte en langue corse de »Lettera a l’umani » et une traduction pour les non locuteurs.
LETTERA A L’UMANI
Stracciata, in duie stonde in un fiume
purtendu u cuncettu maiò di e nazione
i nostri antenati, in tempu di lume
anu scrittu, una prima custituzione
Per mustrà à lu mondu, per difende
i diritti di i populi, à dispone da per sè
Sapendu chì l’omu, di l’omu dipende
Erede di Giacintu, è di u primu rè
Pasquale porta l’idee generose, è a vulintà,
di a migliuranza materiale è murale
di a tulleranza, di a ricerca di a verità
di u perfezziunamentu, intellettuale è suciale
di u rispettu, di a libertà di cuscenza
A Corsica regina, tempiu di machja
di simboli, di rituale, di speranza
di curaghju, quandu u paisanu marchja
I nostri eroi antichi, circhendu a libertà
anu prima inventatu, una demucrazia
Luttendu per i famiti è a fraternità
anu cacciatu a viulenza, è l’inghjustizia
Iè, a Corsica si hè persa qualchi volta
in i paradossi, è e cunfusione di a storia
ma ogni volta, ogni volta, in ogni lotta
dopu ogni disfatta, ci hè stata una vittoria
dopu ogni suffrenza, una resistenza superiore
una forza inattesa, per truvà i camini fiuriti
di l’umanità, di a saviezza, di l’amore
di a necessità vitale di campà fieri è arritti
Avà ch’hè spuntata una demucrazia
mi piace a sugnà in rima è puesia
chì una fraternità universale sia
Magà Ettori, Aiacciu 1999
LETTERA A L’UMANI (Lettre aux humains)
Déchirée en un instant dans un fleuve,
portant le concept suprême des Nations,
nos anciens à l’époque des Lumières
ont écrit une première constitution,
pour montrer au monde, pour défendre
les droits des peuples à disposer d’eux-même.
Sachant que l’homme dépend de l’homme,
sur la terre de Ghjacintu (Paoli) et du premier roi,
Pasquale porte l’idée généreuse et la volonté,
de l’amélioration matérielle et morale,
de la tolérance, de la recherche de la vérité
du perfectionnement intellectuel et sociale,
du respect, de la liberté de conscience.
La Corse, temple de verdure (maquis), de développement, de rituels,
d’espérance, de courage, quand le paysan marche.
Nos anciens héros, en cherchant la liberté, ont d’abord inventé une démocratie.
Luttant pour la famille et la fraternité, ils ont supprimé la violence et l’injustice.
Oui, la Corse s’est perdue quelque fois dans le paradoxes de l’Histoire.
Mais chaque fois, dans chaque lieu, après chaque défaite, il y a eu une victoire,
après chaque souffrance, une résistance supérieure,
une force inattendue pour trouver les chemins fleuries de l’Humanité,
du salut, de l’amour, de la nécessité vitale de vivre fiers et debout.
Maintenant que nous avons une démocratie, j’ai envie de rêver en rimes et poésie,
qu’advienne une fraternité universelle.